GARE À LA RÉCUP’!
VAR MATIN ET LE MARKETING HUMANITAIRE
Bien sûr que l’action est noble, celle d’« accepter d’offrir son talent pour une soirée de gala au profit des restos du cœur ». Manquerait plus que ça. Mais à observer la trombine des têtes de gondoles de la tambouille locale à la une du Var Matin du 9 novembre 2010, on pense à Alexandre Vialatte qui écrivit: « si la crainte du ridicule est le commencement de la sagesse, le mépris du même ridicule est le commencement du génie ». Alors, il y a vraiment du génie chez les quelques chefs photographiés pour l’occasion. Si on sait quelques-uns avoir un cœur « gros comme ça », d’autres sont exclusivement en situation de com’ pour leur petite affaire, point barre. Pour faire parler d’eux dans le journal le temps qu’on les reconnaisse. Avant de retourner dans leur boutique pour faire trimer leur personnel parfois constitué à plus de 80% d’apprentis qui ne coutent pas grand-chose. Taux d’ailleurs parfaitement illégal. Apprentis qui pour en avoir rencontrés n’ont parfois pas de toit, et bénéficient de la tolérance du tôlier pour dormir dans les cuisines de l’établissement qui veut bien les accueillir. Pour sûr qu’il sera à l’heure demain matin. Dans certaines maisons bien vues et considérées comme l’élite par l’intelligentsia de la profession, le personnel déclaré n’est pas mieux loti. Autrement dit et c’est là qu’on rigole (enfin): notre système économique favorise la fabrication de pauvres qu’ensuite il faut s’empresser de secourir à grand renforts de médiatisation avec ceux qui participent à la croissance de cette pauvreté. Le chien qui se mort la queue. Et Var Matin, triste complice de la mascarade via Karine Michel, auteur de l’article et chef d’agence du journal. Complice plus qu’on ne le croit! Car le statut précaire des correspondants de presse n’a rien d’enviable à celui des petites mains de la restauration. Alors oui: donner est bien. Avec discrétion et humilité est sans doute mieux.
Olivier Gros