L'OS ET L'ARÊTE du Bouche à Oreille n°103 Août 2017

DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL A ROUSSET (13)

VAGUE DE SUICIDES AU RESTAURANT

Dans la radio de mon auto, les infos sont déprimées. Alors bon, décidé à prendre la vie du bon côté, je me pointe la fleur au fusil et la risette au minois dans cet établissement au bucolique sobriquet: « Déjeunez sous l’arbre » sis à Rousset (13). Sobriquet qui m’évoque une des dernières chansons de Nougaro « Déjeuner sur l’herbe » inspiré du tableau de Manet et du film de Renoir. Du gazon, de l’espace, un cadre reposant. Bonne idée pour être guilleret.

« Un chardonneret qui sifflote,
Dans l’eau un bouchon qui flotte,
Ma plume qui pèche à la ligne
Un vers, insigne… »

Bref! Vu les rafales de l’épuisant Mistral, je préfère m’installer dans la jolie salle mitoyenne des cuisines et du passe. Du coup j’entends tout, y compris la saine ambiance qui y règne. Je commençais à reprendre du poil de la bête en me remontant le moral avec ma délicieuse entrée que j’entends (sans le voir) un serveur qui arrive du superbe jardin ombragé rempli de clients: « Chef! Un suicide à la 8! ». Glup. Ben dis donc. Je me suis raidi, poils du dos compris. Deux minutes après: « chef! un risotto en direct et un suicide à la 4! ». Re-glup. M’enfin quand même, ici la cuisine est bonne et sérieuse! Même éventuellement très mauvaise, c’est pas une raison pour mettre fin à ses jours! Enfin bon. Et puis 2 suicides pendant le service, ça fait quand même beaucoup, la réputation du restaurant va en prendre un coup, mais que fait la police, on va à coup sûr en parler dans le journal. Pour tout vous dire, il y eut encore une demi-douzaine de suicide jusqu’à mon café mais il faut dire que beaucoup de monde déjeunait en terrasse ce midi. Enfin en théorie, car de moins en moins si vous m’avez suivi.

Jusqu’à ce que je pige enfin que le « suicide » est une spécialité de la maison, d’un dessert du chef à grand succès: le « suicide chocolat ». Un dessert pour gourmand « tout chocolat », pour faire court. Un dessert qui fait aimer la vie. J’aime mieux ça.

Olivier Gros