Y a de l’eau dans le gaz à propos des tendances culinaires employées par les grands chefs de la région du sud-est. Nice-Matin, gardien du temple, et sous la férule de Jacques Gantié, l’ami des bêtes et des célébrissimes toqués les a donc réunis dans le préau pour en débattre sur le thème « où va la gastronome française « ? D’ailleurs, à cet effet, au titre de déontologie, on se demande bien ce qu’un critique gastronomique vient faire là et organise ce genre de débat. On est d’un côté ou de l’autre ! Je rappelle qu’un critique quel qu’il soit n’a pas à fricoter avec ses sujets pour garder et préserver toute son indépendance et sa liberté de jugement. Hé bien cette gastronomie française va à vau-l’eau quand on entend ce qui se dit dans les coulisses. Les uns défendent l’idée d’une cuisine métissée comme Laurent Tarridec, seul deux macarons du Var qui se bat et argumente contre « une cuisine musée », une cuisine « made in France » sclérosante et stagnante au bénéfice d’une cuisine plus orientalisante. Ce qui en soi n’est pas dépourvu d’intérêt, sauf qu’une cuisine, me semble-t-il, doit garder son identité si on ne veut pas aboutir vers un amalgame entre toutes les cuisines qui aurait cet inconvénient majeur de manger à l’identique dans tous les coins de la planète. Un pays c’est d’abord une culture, une entité et ne vaut que par ses coutumes, sa technologie et sa gastronomie. Le panachage des genres reviendrait à dire qu’en allant au Japon vous mangeriez un ris de veau à la Française mélangé à des spécialités du pays du Soleil Levant. Le pays en question perdrait un peu de son identité donc de son âme et par voie de conséquence de sa culture. Sans faire du protectionnisme une religion, y a quand même un savoir-faire régional qui doit résister à cette tendance annihilante des spécificités des provinces pour ne pas tomber dans une mondialisation totale du goût. Jacques Chibois est partisan d’une cuisine du terroir français en commettant même un ouvrage intitulé « la France, c’est la cuisine » qui défend le principe d’une gastronomie sans écorniflure, sans tripatouillage venue de l’extérieur d’où qu’il vienne. Il y a donc deux écoles qui se sont affrontées au cours de ce raout pour définir une tendance actuelle de la gastronomie française qui fait encore référence dans le monde entier. Les prises de bec ont été nombreuses au cours de ce débat qui réunissait tout de même quelques grands noms comme Stéphane Raimbault, Jacques Maximin, Jacques Chibois, Laurent Tarridec et l’ineffable René Bérard qui se trouvait là, on se demande bien pourquoi, par quel mystère était-il présent dans ce G7 des fourneaux, au milieu de tous ces virtuoses de la chose, lui qui de la cuisine n’a qu’une vague idée. Séquence qui ressemblait à un combat d’idéologues en conflit, entre amis premiers de la classe.
Paul Bianco