L'OS ET L'ARÊTE du Bouche à Oreille n°73 Mar 2010

LES NÉGOCIATEURS

D’emblée je vous préviens: c’est d’une grande tristesse! Fin de mon repas. Je dégaine ma carte bleue au moment même où le téléphone sonne. La patronne-serveuse décroche. Je comprends vite qu’à l’autre bout, la personne se renseigne pour faire un repas de groupe (une quinzaine) ici-même. Intérieurement je me dis que « bravo », ça fera bosser la maison qui le mérite vraiment et puis comme ça, tout le monde sera content, y compris les veinards de clients qui vont se régaler. Mais ça se gâte: écouteur collé à l’oreille, la maîtresse des lieux commence à blêmir. Je pige vite que l’épatant menu à 26€ « est trop cher » pour l’autre. Une feinte de Sioux qui veut dire « baissez votre prix » dans la langue du négociateur futé. Enfin passons, je vous la fait courte: l’affaire ne se fera finalement pas. Elle raccroche. Je taperai mon code de CB devant une personne à deux pas de pleurer, sapée par le culot de d’« acheteurs de prix » qui jouent les fins commerçants.

Il est effarant de constater comment certains clients de restaurants peuvent à ce point manquer de discernement. Confondant la notion de brute de « prix » avec celle de « rapport qualité prix ». Ces zélés négociateurs n’ont sans doute jamais discuté le prix de la baguette de pain chez leur boulanger, ni la tranche de jambon achetée à Auchan, et encore moins le Mac Do où ils emmènent parfois les enfants.

Olivier Gros