CONNECTIVITÉ INTEMPESTIVE
LES ÉTRANGERS SONT NULS (AUSSI)
Un des midis de mon quotidien de cobaye dans un restaurant du Vieux-Port, Marseille. Personnel impeccable, souriant, de bonne humeur. Vue directe sur les bateaux à travers la grande baie vitrée: très agréable. Arrive un groupe de 10 vietnamiens en virée d’affaires, cravatés ou jupés: ils ont réservé. Le serveur les installe comme prévu au fond, au calme près du comptoir pour qu’ils puissent être à l’aise.
Je sais pas comment on dit ronchonner en vietnamien, mais le leader (je sais pas comment on dit « leader » non plus) se lève puis ronchonne, donc: « on voudrait être près de la baie vitrée pour voir les bateaux ». La patronne comprend que ses clients souhaitent bénéficier du panorama et accepte donc la demande, bouge quelques tables pour organiser, demande à quelques habitués si c’est possible de se déplacer un peu, un ramdam un poil dérangeant mais l’honneur de la France pays d’accueil aux traditions historiques dans les échanges commerciaux est en jeu. Alors tout le monde le joue, le jeu. Cocorico. Voilà donc nos hommes et femmes d’affaires vietnamiens autour d’une grande table ronde devant la vitre panoramique avec les bateaux et les mouettes, beau soleil en plus. Pas peu fier de contribuer même modestement à la balance du commerce extérieur de mon pays et rempli de la sensation du devoir accompli, c’est ainsi que je tapais de plus belle dans mon délicieux Saint-Marcellin pané et lardé dans un grand soupir de satisfaction.
Et là, j’ai bien observé nos amis d’Asie. Silencieux tout le repas, aucune discussion entre eux, aucun ne regarde le panorama: tout le repas, ils auront le nez dans leur ifone qu’ils tapotent! Tous! Comment on dit « têtes de nœud » en vietnamien?
Olivier Gros