LA GAMME
Parait-il, ils ne sont pas de la profession ! ça se soigne ! Moi je dirais plutôt qu’ils en sont, car ils ont appris leur gamme comme ceux de la profession .La gamme des incongruités professionnelles. Tout a commencé par le commencement. Dès le rachat des Sarments dont j’ai eu vent, j’ai donné coup de téléphone sur coup de téléphone pour réserver. 10 h, 11 h, Midi et jamais personne répondait. Si, un répondeur. Peut-être pour ne pas être dérangé. Ou, nous n’osons le croire, parce qu’à midi, le chef n’est pas encore arrivé. Et puis un jeudi de juillet, j’y suis allé au flanc, prenant le risque de trouver porte close. Mais les portes étaient bien ouvertes. Et la gamme d’incongruités a démarré au quart de tour. L’accueil d’abord. Personne en vue. On m’a fait poireauter un certain moment alors que j étais tout seul. La commande prise, le patron et peut-être chef, a commencé à trifouiller ses bouteilles, les remettre dans l’ordre peut-être dans un vacarme de guerre. Quand il eut fini les travaux d’hercule et qu’un peu de paix et de silence revint, le patron se mit à passer la pièce, frôlant même ma table. J’entamais ma deuxième côtelette et il était midi quarante cinq. Juste après pour reprendre l’animation auditive, il entreprit le congél ! Et vas-y que je mette tout sens dessus dessous. Du son à profusion. J’en étais à ma troisièma côtelette. Et puis hop ! de nouveau le silence ! et pour cause ! Ils s’extasiaient sur une tarte tropézienne ! Ils étaient trois pour se morfaler la tarte en ajoutant quelques notes d’exclamations. J’avais fini mes côtelettes. Bonnes d’ailleurs avec un flan excellent. Madame passait cent fois devant ma table sans me demander si ça allait. Faut dire qu’elle était bien occupée devant l’entrée avec le voisinage à faire la causette. Décidément, ils ne sont pas du métier et ça se voit. Dans le genre gamme des incongruités, elle n’est pas exhaustive. Ils doivent encore travailler.
Paul Bianco