LE CAS CYPRIEN À MARSEILLE
GONFLÉ LE MICHELIN!
Je ne ronchonne jamais trop sur les choix des sélections des confrères causant sur la nature et la qualité d’une table. Après tout, tous les gouts sont dans la nature et chacun peut bien dire ce qu’il veut.
Sauf que j’apprends que le restaurant Cyprien sis avenue de Toulon à Marseille (la précision est d’importance) ne bénéficie plus depuis 2013 de « la fourchette » (restaurant assez confortable) que le miche lui collait depuis belle lurette! Intérieur très classique et tout aussi confortable. Rénové depuis 5 ans. Du coup, ceux qui connaissent la maison Cyprien se questionnent sur la marque de lunettes de l’inspecteur Michelin.
Faut savoir aussi que Cyprien profita d’un « bib gourmand » jusqu’en 2009. A l’époque, la médaille récompensait le rapport qualité prix d’un menu proposé à 29€ ou moins (31€ aujourd’hui). Ce restaurant propose toujours une cuisine savoureuse à partir de menus à 23,5€! Et 16€ le midi en semaine! Le prix d’une pizza et d’un café à pizza paï! Bref! Le bib? Pffuitt! Du coup, ceux qui connaissent la maison Cyprien suggèrent à l’inspecteur Michelin de changer les piles de sa calculette.
Pour nous autres du BàO, la cuisine de Philippe Lequien se classe parmi les 10 meilleures de la ville, pour ne pas dire les 5. Recettes bourgeoises et classiques rondement menées, quelques brillantes incursions dans la Provence. Ce natif du Nord de la France passé par de l’étoilé en Alsace (« le relais de chasse » à Colmar) est un as. Par contre, il n’entre pas dans les rails du profil de cuisinier angoissé par le regard des guides, celui qui change sa carte chaque semaine sous peine d’être démodé la semaine suivante et d’être dans la foulée classifié de « ringard » par la bien-cuistance. Pour être totalement juste, on peut aussi dire sans le heurter qu’un poil de créativité pure ne nuirait pas. Du coup, ceux qui connaissent la maison Cyprien savent bien que les assiettes de la maison sont aussi constantes que brillantes, et que l’inspecteur Michelin devait être de bien mauvaise humeur.
Bien sûr que la résidentielle avenue de Toulon du côté de Castellane n’est pas aussi glamour que le Vieux-Port. Bien sûr que Jean-Philippe Lequien n’est pas un chef qui aime la lumière. Il ne se rase pas le matin en pensant « je veux une étoile et je suis prêt à tout pour ça ». De plus, il se désintéresse avec passion des réunions nombrilistes de chefs bien en vue, comme pour MP2013. Faire le malin devant les photographes et les projecteurs? Moi? Mais alors qui va cuisiner à midi pour les clients? Bien sûr que l’atmosphère classique et relativement solennelle de sa salle à manger refroidit les ardeurs des accrocs de la tong et du glaçon dans le rosé. Du coup, ceux qui connaissent la maison Cyprien supposent qu’en venant ici, l’inspecteur Michelin ignorait entrer dans un restaurant émancipé des modes éphémères.
Le miche ne vend plus de papier. De 500000 exemplaires en 2000, il serait vendu aujourd’hui à moins de 100000! Histoire de rattraper le temps perdu, la tendance du marchand de pneus est au marketing pur, notamment avec le décrié site publicitaire restaurants Michelin! Dont les méthodes commerciales ont de quoi rendre jaloux les pages jaunes! Payant pour les restaurants! 88€ HT par mois! Ou quand un guide vieillissant plonge sans discernement dans le monde Internet… et se prend les pieds dans le concept! Du coup, ceux qui connaissent la maison Cyprien soufflent à l’oreille de l’inspecteur Michelin que les clients avisés de restaurants ne mangent pas des concepts mais des contenus d’assiettes.
Ne pas tenir compte du travail de Jean-Philippe Lequien pour un « guide de référence » comme le miche s’apparente au mieux à une faute de gout, au pire à un délit de sale gueule à cause du quartier résidentiel où ce chef cuisine. Du coup, ceux qui connaissent la maison Cyprien informent l’inspecteur Michelin que chaque jour dans ce restaurant, des clients connaisseurs trinquent en riant à la santé du fameux guide rouge!
Olivier Gros