L'OS ET L'ARÊTE du Bouche à Oreille n°45 Fév 2003

DEUX CENTS PATATES POUR UNE CRITIQUE !

Du jamais vu ! Un confrère vient de se voir condamné a plus de deux millions de francs pour avoir critiqué le Beaujolais. Certes un peu vigoureusement mais tout de même ! On se croirait revenu au temps béni pour les lobbies et les puissants qui étaient protégés par des lois toutes dévouées à leurs privilèges ! Par la voix d’un oenologue du coin, « LYON MAG » , n’y est pas allé de main morte en fustigeant la qualité de ce terroir qui par ailleurs est si décrié dans le monde autorisé des guides spécialisés et même de la confrérie vinicole. Mais cela méritait-il la mise à mort d’un média qui a pignon sur rue et qui a fait la preuve de son sérieux et professionnalisme ? Car les magistrats n’avaient aucun doute sur la conséquence de leur verdict. Une critique mérite-t-elle une mise à mort ? Un droit de s’exprimer s’exposerait-il donc à chaque fois à un risque mortel ? On finirait donc dans ces conditions et si tel était le cas, par principe de précaution d’étouffer toute idée d’avis contraire ou de critique élémentaire de peur d’engager son entreprise dans une voie qui pourrait s’avérer fatale. Mais le plus grave n’est encore pas là. Le plus grave et le plus affligeant est que dans ce climat d’auto-censure généralisée, le lecteur n’aurait droit qu’à une information policée, édulcorée, fragmentée et dirigée par la puissance et l’imprimatur des nombreux lobbies dont celui du syndicat du Beaujolais. Je suis d’autant plus à l’aise que sans reconnaître la haute tenue gustative du Beaujolais en général, j’en bois assez régulièrement pour des repas très simples. En réalité, je bois de tout sauf du rosé et des vins de sable ou encore des piquettes ! Mais si je ne peux plus dire que tel domaine produit une piquette à vous remettre à l’eau de robinet, où va-t-on, et peut-on continuer à publier le BAO ? C’est une question d’importance ! Est-ce-que le lectorat n’a pas droit à une information divergeante pour se faire une idée ? Aurait-on tant bataillé depuis des républiques, dans ce berceau dit de culture et qui plus est, a vu naître le texte essentiel des droits de l’homme qui a servi de phare à toutes les démocraties et les pays où la liberté d’expression n’est un pas vain mot, où la liberté de la presse s’exerce normalement ? Aurait-on bataillé pour en arriver là, à ce verdict qui est une insulte pour la France ? Tout ça pour ne pas toucher aux interêts d’un clan ! C’est la condamnation pure et simple du droit à la critique ! Bravo messieurs les censeurs ! On finirait par se croire à Cuba ou en Corée du Nord. Soyons sérieux, on n’en est pas encore là ! Le Français, ce bipède qui regarde passer les trains et star académy, veillent tout de même à sa liberté. C’est lui qui a le plus long passé en la matière. Mais quand je vois et j’entends Valérie Mairesse l’actrice, à l’émission de Ruquier « on a tout essayé », dire qu’elle va boxer un invité parce qu’il a porté un jugement négatif sur la fille Doillon, actrice également, j’ai tout à coup un sentiment de panique qui m’étreint. Approuvé par ailleurs par un Gérard Miller qui devient tout à coup très consensuel, lui qui a fustigé tant et plus tant de monde et de personnalités diverses au point de se faire virer par Drucker avec perte et fracas. Et la réaction épidermique de cette Valérie Mairesse est symptomatique du Français de base, corporatiste rentré, râleur mais peu enclin à la critique malgré son goût immodéré pour sa liberté. Avec comme argument universel et incontournable du dommage causé. Ainsi l’armure protectrice ou l’alibi irréfutable est identifié ! On ne critique pas en rond parce qu’il y a des enjeux économiques ! Et le tour est joué ! C’est ce qu’a répondu l’avocate à la télé, en substance ! Pas touche même si ça vaut rien, à une dénomination commerciale. Le journaliste n’est pas là pour donner son avis mais pour encenser ! S’il a des réserves à émettre, il ferme sa gueule et ferme son stylo. 0u c’est deux cents patates dans la poire ! Ça doit-être cette somme que les viticulteurs du Beaujolais on pris dans le raisin ! Faut bien rembourser les dégats ! Et pas une seule fois on s’est demandé si relever la qualité ne revenait pas moins cher ! Alors je vous le dis cher lecteur, le Beaujolais n’est pas un vin de merde puisque je risque trop gros mais je n’en boirai plus. Pire ! Dans ma cave, il me reste une bouteille de « beaujolpif » que je vais donner à un SDF. Qui m’aime me suive !

Paul Bianco