DÉBROUSSAILLEURS ET WAGONS DE QUEUES
Par les plumes autoritaires de François-Régis Gaudry et Jörg Zipprick, le magazine l’Express du 22 janvier 2013 se fend d’une enquête carabinée sur le fameux guide Michelin: « les sept casseroles du Guide Michelin »1. Nous autres au BàO, on se fend bien la poire car l’allumage en règle de la bible rouge des fourneaux est un sport devenu à la mode depuis que quelques blogueurs culottés et curieux ont shooté dans la fourmilière à la fin des années 2000 ou juste un peu avant. Tandis que nous autres au BàO, on érafle sans retenue les pratiques douteuses du miche depuis… 1990!
On ne reviendra pas sur l’analyse sévère confirmant notre propos depuis plus de 20 ans! Alors pour lire les 7 péchés capitaux du Bibendum, cliquez sur le lien ci-dessous1 ou demandez à votre dentiste si par hasard, il n’aurait pas conservé ce numéro de l’Express dans sa salle d’attente.
L’inventaire est juste: anonymat relatif des inspecteurs, copinages et liens douteux entre cuisiniers et cadres du fabricant de pneus, pressions commerciales auprès des chefs, partenariat qui ponctionne la comptabilité des restaurants avec des vendeurs de coffrets comme Wonderbox, politique Internet ambigüe avec pression des commerciaux: ainsi, n’importe quel tambouilleur peut aujourd’hui être référencé sur le site Michelin moyennant une cotisation mensuelle de 69€! Ce bizness sème par ailleurs le trouble et fait ruminer les grands chefs! Mais passons.
Le dérangeant selon notre angle de vue, c’est la facilité avec laquelle quelques journalistes font montre d’une plume plus acérée que de coutume quand il s’agit de déglinguer des personnes n’ayant plus le pouvoir qui fut le leur. Il est tellement plus confortable d’allumer un Jean-Luc Naret, ex-directeur du guide Michelin aujourd’hui disparu de l’échiquier des influents de la sauce, que de l’avoir épinglé sans ménagement comme nous le fîmes dans l’édito du BàO 66 de juin 20082, alors même qu’il était au faîte du pouvoir! C’est toute la différence entre journalisme « d’analyses » et journalisme « de terrain »! Ecriveurs assis devant des écrans d’ordinateur, experts en analyses « a posteriori » et adeptes du rétroviseur: les « wagons de queue ». Tandis que les « débroussailleurs » sont en première ligne, vont devant les événements, causent et photographient un présent pris dans le pif. Il est simple de comprendre que les journaux préfèrent payer de la matière grise devant un ordinateur que des frais de déplacement à un incontrôlable globe-trotter!
Si les deux sont une paire utile au sein d’une rédaction, il est moins téméraire d’être suiveur et de tirer sur l’ambulance que de l’épingler alors qu’elle est « aux affaires ». L’inélégante pratique fait d’ailleurs penser à celle des larbins du pouvoir comme Franz-Olivier Giesbert (« FOG », aujourd’hui directeur du « Point ») qui profita de 20 ans de proximité avec Jacques Chirac pour finalement dévoiler dans un livre3 le secret des coulisses de l’ex-président. Une fois qu’il fut « retiré de la vie publique », comme on dit. La classe.
En ce qui concerne le Michelin, nous n’apprendrons rien de plus que ce que nous savions déjà. Sinon qu’avec des ventes passées de 500000 exemplaires en 1990 à 120000 aujourd’hui (4 fois moins!), le Michelin est en perte de vitesse et de légitimité! Autrement dit, crispé sur sa stratégie de marketing de survie, le guide rouge s’enlise, s’enlise… Sinon, l’Express et François-Régis Gaudry n’en parleraient pas!
Olivier Gros
1 http://www.lexpress.fr/styles/saveurs/restaurant/les-sept-casseroles-du-guide-michelin_1212498.html?xtmc=michelin&xtcr=2
2 https://www.le-bouche-a-oreille.com/editos/edito-66.html
3 La Tragédie du président, paru en mars 2006.