ON NE CONSOMME PAS LE RESTAURANT

COMME ON ACHÈTE SUR AMAZON.COM

On a beau être du côté des intérêts du client de restaurants depuis 32 ans, certaines augmentations des tarifs en 2022 des « établissements qui font à manger » nous apparaissent comme légitimes. Conséquence de celles de l’alimentaire, des boissons, des vraies-fausses pénuries et des coûts de transport. Si vous faites vos courses, vous l’avez remarqué sinon demandez à votre majordome de vous faire un rapport circonstancié de la situation du monde quand il sort vous acheter vos croissants du matin.

Notre credo est le « rapport qualité-prix » des tables testées et à ce propos nous observons une injustice. Les cuisiniers cantonnés par choix ou obligation aux « petits tarifs » se creusent la toque au quotidien pour trouver des solutions de plats tout en conservant une qualité de produit convenable. Sans passer notamment par les plats cuisinés industriels en poche sous-vide à réchauffer au micro-ondes osés par une majorité de leurs confrères. Pour garder la même qualité et le « fait maison », les menus autour de 15€ sont passés à 17€ ou 18€. Un crève-cœur pour nombre d’entre eux. Et sans autre possibilité sinon de fermer la boutique en attendant que les tarifs des fournisseurs redescendent à des niveaux plus acceptables. On peut toujours rêver. Tandis que la marge de manœuvre du restaurateur proposant des menus dès 50€ peut parfois amortir l’augmentation de ses fournisseurs.

Un peu de comptabilité: à coefficient multiplicateur appliqué égal 3 sur l’achat produit, le volume de marge est différent suivant le prix du menu. Celui vendu 15€ laisse par exemple 10€ de marge brute. Tandis que le menu à 45€ dégage 30€. Marge utile pour acheter la marchandise des assiettes du menu du lendemain, financer le leasing du nouveau four et payer le comptable, l’électricité et le gaz, le loyer et le crédit du fonds, les salaires et cotisations sociales etc. Il fallait le dire.

Dire aussi que quels que soient les tarifs du restaurant, faisons l’effort de dégager de nos vies les nourritures industrielles qui utilisent des produits de mauvaise qualité, même pas moins couteux à l’achat mais plus cher pour nos santés. Aller au restaurant chez un vrai cuisinier est un acte militant, mais vide de sens pour une « franchise à bouffe ». Et prenez votre temps! Ne commandez pas des plats (à prix d’or) sur Uber Eats ou ailleurs pour les avoir chez vous en 10 minutes comme on achète un repasse-limaces ou un ratatine-ordures* sur Amazon avec la possibilité de l’avoir le lendemain. Pourquoi? Une course au temps imbécile perdue d’avance, qui fabrique des aigreurs à l’estomac et le désespoir des lendemains.

                                                                                                      Olivier Gros

*La complainte du progrès de Boris Vian (1956)