DANS QUEL MONDE MERVEILLEUX VIT DONC LE GUIDE MICHELIN?
LA COURSE À L’ÉCHALOTE
Le client de tables l’ignore le plus souvent, le restaurateur presque tout autant! Comment obtenir les faveurs du miche? Les critères opaques de la bible rouge pour une éventuelle obtention d’étoile(s) laissent la place aux fantasmes les plus torturants. On imagine que pour obtenir une récompense du fabricant de pneus, faut tenir la route. Logique. Il est surtout préférable de rester dans les rails de ce qu’attendent les éventuels inspecteurs! Faut entrer dans le rang! Et mieux vaut faire partie de clubs très privés où évoluent des restaurateurs! Etre issu d’une cuisine d’un pape de la chose est un atout considérable! Activer le réseau influent donc, mais bénéficier d’un mécénat est encore plus efficace. Prenons le cuisinier Rabanel à Arles. Il ne remerciera jamais assez Maja Hoffmann (de la famille Hoffmann, fondatrice des laboratoires pharmaceutiques Hoffman-La Roche à Bâle, Suisse) d’avoir financé son talent. Bravo à lui, mais qu’on ne vienne pas me dire que le guide rouge met tous les cuisiniers à égalité de droits dans sa sainte sélection! Il se murmure même que le médiatique Rabanel obtiendrait bientôt sa troisième étoile! Ce qui dans le milieu de la soupe et des toques fait doucement ricaner! Enfin bon! Ça fait plus de 20 ans qu’on vous démontre dans ses pages que savoir cuisiner n’est pas la qualité essentielle pour obtenir les faveurs du guide rouge. Une partie de l’historique du propos est d’ailleurs sur notre site Internet.
LE BIB GOURMAND: UNE BOUÉE DE SAUVETAGE
La crédibilité des « étoiles » sent un peu le caoutchouc brûlé. Le miche est de plus en plus invalidé par le consommateur de tables lui-même qui ne se retrouve plus dans les annotations. Alors le service marketing de la marque de pneus réveillera une autre récompense: le « bib gourmand ». Symbolisé par le bibendum en personne, sensé être plus proche des préoccupations économiques du lecteur que la fameuse « étoile ». Un « bib gourmand » propose un menu à 29€ en Province ou 32€ à Paris! Pour une fois que le miche affiche un critère limpide, on va pas se plaindre! Mais si 29€ sont effectivement une somme importante à débourser pour le commun des mortels, faire un travail de haute qualité sous ce prix n’est pas gagné pour le cuisinier très exigeant ayant du personnel! Et c’est là que ça coince!
DES INSPECTEURS DU MICHE… GONFLÉS!
Un restaurateur nous le confirme: « le guide rouge impose encore ses exigences! Avec cette limite de 29€, il s’immisce dans nos achats! Entrer dans le cadre imposé des 29€ est de plus en plus compliqué! On dirait que le michelin n’a aucune idée des augmentations de prix des viandes, charcuteries, produits laitiers, farines et le reste! Et mon personnel est plus cher que la plupart des restaurants car il est qualifié ». Nous savons que les inspecteurs essayent d’imposer leur loi. Visité en 2010, ce chef installé dans les Bouches Du Rhône s’est vu conseillé « vous devriez baisser votre menu de 32€ à 29€! Comme ça je vous donne le bib gourmand ». Je vous dis pas les mirettes écarquillées du cuisinier! Aussi ce brillant chef du Vaucluse qui bénéficiait depuis 3 ou 4 ans du bib gourmand. Il apprendra après test par un inspecteur de la pravda des fourneaux, que « dans votre menu (29€ donc NDLR) votre poisson est frais, mais pas assez noble! ». Môssieur veut du turbot au prix du lieu jaune! Résultat: puni de bib gourmand! Allez hop! On fait péter le bib! Ça lui apprendra à se lever à 6h du mat’ tous les jours et à se coucher deux heures après le dernier client! Notons que le problème n’est pas uniquement de bénéficier d’une récompense d’un guide: il est surtout de ne pas se la voir confisquer!
Pour négliger à ce point les contraintes économiques d’une entreprise qu’est un restaurant « artisanal », la bible rouge mérite… un carton rouge! On sait pourtant la firme Michelin redoutablement efficace calculette en mains! Comme dans l’exercice de gestion comptable de ses usines pneumatiques: quand il s’agit de licencier du personnel pour augmenter des profits boursiers pourtant déjà solides**.
Olivier Gros