À QUAND UN STATUT D’ARTISAN-RESTAURATEUR (SÉRIEUX)?
La restauration souffre. Et c’est rien de le dire. Attention! Je ne parle pas des pleurnicheurs chroniques! Des pros de la lamentation! Non! Je cause du cœur de la profession, de la face la plus honnête et la plus laborieuse composée du fou-furieux du métier et du passionné, de celui qui embauche du personnel qualifié, du chef talentueux amoureux du bien-fait, du pinailleur du produit parfait ! Celui-là souffre économiquement, s’en prend « plein la toque »! Et c’est très gênant pour son avenir économique! Quand il n’existera plus que des « restaurants » franchisés, quand les restaurants de chaîne ou de groupes se seront définitivement acoquinés avec les monopoles du prêt-à-bouffer pour « professionnels » comme les distributeurs Métro ou Promocash, quand ils auront fini de quadriller le territoire, et complètement maîtrisé toutes les filières de la production agro-alimentaire : il sera trop tard! Et là ya comme un gros problème! Comme un noyau dans la mayo! La boutique qui emploie du personnel qualifié et utilise de bons produits prospère beaucoup moins que celle qui utilise des plats « tout-prêt », du personnel jetable et des produits moins que moyens ! Et c’est pourtant elle que la mécanique économico-fiscale torture ! Dans le collimateur! Le système voudrait supprimer « les petits » et les « appliqués » qu’il ne s’y prendrait pas autrement ! C’est pourtant exactement ce qui se passe.
Alors puisque les gouvernants ne veulent pas (ou ne peuvent pas, allez savoir) abaisser la TVA sur le restaurant (rappelons pour les sourds d’oreille que le restaurant achète grosso-modo ses produits avec une TVA 5,5% et facture au client une TVA à 19,6%), pourquoi ne pas créer un statut d’artisan-restaurateur? Un vrai! Pas celui que voudraient mettre en place quelques restaurateurs opportunistes pour contrôler la situation au profit de leur petite entreprise (ou de leur grosse). Encore moins à un syndicat! Encore moins à l’UMIH ! Là-dedans, chacun tire rapidement la couverture sur sa propre boutique et celle du copain ! Pas de copains! Copain ne rime pas avec éthique! Etablir un strict cahier des charges sévèrement contrôlé sur le même principe que la filière AOC? Ça marche bigrement bien l’AOC! Critères du genre:
Produits utilisés frais à 80%, obligation de mentionner l’utilisation de produits congelés (existe déjà dans d’autres pays d’Europe), valorisation de la filière artisanale: pain fait maison ou par un artisan-boulanger, idem pour le vin. L’artisan-restaurateur devrait proposer au moins un choix de trois fromages AOC. Créer un label d’apprentissage « formé chez un artisan-restaurateur ». Prêt préférentiel pour la rénovation ou la reprise d’un établissement. Caisse de cautionnement pour un jeune « formé chez un artisan-restaurateur » qui veut créer son entreprise. Statut avantageux du conjoint-collaborateur, etc.
Attention! Être un artisan-restaurateur n’est pas forcément synonyme de « bon restaurant »! La filière serait simplement garante d’une qualité de travail… comme l’AOC!
On ne peut pas baisser la TVA? Baissons en contrepartie les « charges » de l’artisan-restaurateur! Les charges sur le travail! Mais pas n’importe comment! Pas « d’exo-bateau » sur les bas salaires et qui ne créent pas de postes! Des exonérations liées au statut d’artisan-restaurateur ! Intérêt fiscal à embaucher du personnel qualifié ! Avantages sur la formation et l’apprentissage! Coup double! Coup triple! Les jeunes motivés reviennent (ou restent) dans le métier! Le restaurateur qui joue le jeu « qualité » devient (enfin) avantagé sur le dealer de « tout-prêt » ! Qui continuera d’exister, mais c’est un autre métier ! Et enfin, ça concerne le BàO: critères de qualité lisibles pour le client ! Il s’y retrouverait, le client ! Et il ferait quoi? Il irait au resto en connaissance de cause ! Vous verriez comme d’un coup, nombre de solutions seraient trouvées à beaucoup de maux qui plombent la profession ! Mais je suis pessimiste : ya toujours un expert qui sort de derrière un fourré en disant « c’est plus compliqué que ça… ».
Olivier Gros