Nous publions un article de Romain R déjà présent sur le site https://lavieculinaire2.wordpress.com/2017/06/11/les-zigzags-de-perico-legasse/ au sujet du comique-tripier Périco Légasse, critique gastronomique de l’hebdo Marianne, notamment. Car si l’homme se veut activiste forcené aux yeux du grand public, nous autres observateurs ravis de l’agitation du mondo-gastro, nous nous poilons de la polyvalence quasi kafkaïenne de cet Albert Londres à la sauce triglycérides dans ses agissements aussi divers que contradictoires.
D’où le titre de l’article:
LES ZIGZAGS DE PÉRICO LÉGASSE
On savait Périco Légasse inconsistant dans ses critiques au vitriol. Il y a quelques années déjà, et avec la véhémence qu’on lui connaît, il dénonçait les méfaits et les accointances des fers de lance de la cuisine moléculaire… tout en fermant les yeux (1) sur les petites affaires d’autres grands chefs avec qui il entretient une amitié sans faille.
Il était également subtilement passé en l’espace de quelques mois d’une critique sans relâche sur les méthodes et les méfaits du groupe Nestlé à un rétropédalage dans la semoule dès lors que la multinationale l’invita au sein de sa fondation et acceptera de financer son émission « Manger C’est Voter » (2).
Cherchant probablement à se faire pardonner ses attaques passées notre critique gastronomique ne rate désormais aucune occasion de nous expliquer tout le bien qu’il faut penser du patron de Nestlé France et des pratiques salvatrices du groupe transnational.
Après la sortie de son livre – A table citoyens – et à la suite de ses nombreuses saillies envers la grande distribution qu’il qualifie de fléau national on pensait qu’il ne pouvait pas aller beaucoup plus loin dans le manque de cohérence intellectuelle (3).
Grande erreur de notre part puisque le grand écart entre le verbe acerbe et la pratique fourbe du journaliste de Marianne n’avait alors pas atteint son apogée. Ces derniers mois l’élève de Coffe– qui n’avait pas pourtant pas hésité à critiquer son maître lorsque celui ci avait rejoint Leader Price – l’a depuis largement dépassé dans ses contradictions.
Repensez aux fêtes de Noël lorsque Légasse exhorte le consommateur à abandonner les produits de « luxe » tels que le saumon, les huîtres et le foie gras pour leur préférer une bonne terrine faite par un artisan. Ou bien lorsqu’il voit dans l’alliance industrie agroalimentaire, grande distribution et publicité une trilogie « satanique ».
En voici quelques extraits (4):
« Plutôt que d’acheter un morceau de foie gras infâme à cinq ou six euros dans une grande surface, sorti d’une machine comme on le voit dans certains films, ils peuvent aller chez un artisan charcutier de quartier acheter une bonne terrine de campagne maison… En outre, ils auront fait du bien à la France en faisant travailler un artisan qui aura utilisé des produits sains provenant d’un producteur français. »
« Acheter uniquement ses produits dans les enseignes de la grande distribution, c’est comme voter éternellement pour un même parti qui vous envoie dans le mur ! »
« L’industrie alimentaire et la grande distribution sont aujourd’hui la prolongation du système bancaire. Leur but n’est pas de nous nourrir, mais uniquement de faire de l’argent par la vente de biens de consommation… »
Sans oublier bien sûr le récent appel au boycott des magasins Leclerc (5) à cause de sa politique du toujours moins cher.
Pourtant les envolées lyriques du Périco Légasse des plateaux télé et des interviews sont à mettre en contraste avec sa pratique quotidienne de journaliste militant. Non content d’avoir mis de la San Pellegrino dans son beaujolais en acceptant de s’allier avec Nestlé voilà que depuis peu il pratique un grand écart aussi magnifique que celui de Hélène Darroze (6) il y a quelques mois avec Kellogg’s.
L’homme qui, il n’y a encore pas si longtemps, nous enjoignait à boycotter la grande distribution en général et Leclerc en particulier nous explique maintenant à travers deux récents articles (publi-reportage?) (7) parus dans Marianne tout le bien qu’il faut penser de Métro Cash and Carry. Entreprise de grande distribution destinée principalement aux professionnels de l’hôtellerie qui œuvre main dans la main avec quelques uns de ses amis grands chefs. Aucun des arguments pourtant utilisés par Légasse n’est véritablement convaincant. Ce n’est pas que ceux-ci soient inintéressants ou faux. Seulement on imagine mal comment ces arguments ne pourraient pas également s’appliquer aux magasins Leclerc.
Double standard auxquels nombres d’acteurs (8) du milieu de la gastronomie nous habituent depuis quelques années maintenant. Pourtant si une différence existe véritablement entre Métro et Leclerc (ce qui reste à prouver) celle ci ne constitue qu’une différence de degré et non de nature. Les deux entreprises fonctionnant sur un modèle industriel similaire. Les centrales d’achats, par exemple, ne sont pas un problème intrinsèque au groupe Leclerc. Pas plus que la logique du profit maximum. Le groupe Métro étant par ailleurs un acteur bien plus performant au niveau mondial que son petit concurrent français.
En quoi la logique de cette entreprise serait elle donc si différente de celle de Leclerc que nous sommes censé boycotter pour satisfaire notre homme? De plus, Métro est un fleuron de l’industrie allemande contre laquelle Légasse passe son temps à vociférer. Nous expliquant à longueur de papiers et d’entretiens tout le mal qu’il faut penser de la logique mortifère de l’industrie germanique.
Une collaboration n’arrivant jamais seule voici que nous venons d’apprendre que l’homme qui murmure à l’oreille des consommateurs d’éviter les supermarchés et de se fournir chez des producteurs locaux* se retrouve maintenant ambassadeur de Fleury Michon. Comme chacun peut le constater, bien que cette entreprise agroalimentaire ne soit probablement pas la plus nuisible, elle n’est pas non plus exactement un artisan du coin que le célèbre critique nous enjoint pourtant à faire vivre sous peine de disparition programmée. Programmée par l’Europe satanico-ultra-libérale, entendez-bien.
Voilà qui devient de plus en plus incompréhensible et risible. Doit-on boycotter Leclerc mais encourager le développement de Métro et Carrefour qui trouvent grâce au yeux de notre activiste? Favoriser le petit artisan en lui achetant des terrines Fleury Michon? Applaudir le cuisinier Gilles Goujon pour son travail avec Métro et vouer aux gémonies Jean-Pierre Coffe pour un travail presque similaire avec Leader Price?
Romain R
*Avec son fameux: Il vaut mieux manger du fromage artisanal une fois par semaine que du fromage industriel 3 fois par semaine.
(1) https://lavieculinaire2.wordpress.com/2014/02/05/les-inconsistances-de-perico-legasse/
(2) https://lavieculinaire2.wordpress.com/2015/03/06/manger-cest-voter-nestle-ou-linverse/<
(3) https://www.le-bouche-a-oreille.com/os/vrp-de-nestle/
(4) http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2014/12/12/31003-20141212ARTFIG00420-perico-legasse-noel-la-malbouffe-la-france-et-moi.php
(5) https://www.youtube.com/watch?v=EBg2uQzdkiE&app=desktop (vidéo)
(6) https://lavieculinaire2.wordpress.com/2016/10/05/les-convictions-de-helene-darroze/
(7) https://www.marianne.net/economie/metro-l-enseigne-qui-bouscule-les-codes-de-la-restauration
(8) https://lavieculinaire2.wordpress.com/2017/03/08/alain-ducasse-atabula-et-la-double-ethique-culinaire/