RECETTES DE GRANDS CHEFS:
VEDETTES À LA TÉLÉ ET VRP DE CONGELÉ
La cuisine est à la mode, aucune chaîne n’épargne le téléspectateur de son émission de recettes par ici ou de célébration d’un chef par-là. En septembre sur M6, l’opportuniste Cyril Lignac trouve sa nouvelle croisade: la malbouffe dans les cantines. Voilà pas qu’à son réveil, il constate que les cantoches servent aux gamins de piteux repas. Alors Zorro veut donner envie aux enfants d’aimer la nourriture. Louable ambition qu’on a envie de croire désintéressée. Seulement, après avoir lancé son resto grâce à M6, on peut penser que Cyril Lignac espère que son nom deviendra une marque, pour que le gens accourent dans son resto branchouille pour le voir lui « en chair et os », à défaut de découvrir une cuisine raffinée. En tout cas si l’on en croit le critique gastronomique du Figaro François Simon: « 119,50 ? (avec juste deux verres de vin) pour un repas modeux, léger, guère nourrissant, c’est très, très limite…..FAUT-IL Y ALLER ? Non, sinon à quoi je sers, si ce n’est à vous éviter de perdre votre temps et votre argent ? »(Figaro, 23 mars 2005).
Ras la casquette de la télé qui nous inonde de ce trop plein de gastronomie. Sur la Cinq Veyrat, héraut de la gastronomie française. Sur la 3, le revenant Robuchon qui nous offre des recettes soit-disant réalisables par tout le monde. Le romantique Petitrenaud (qui n’est pas « chef ») sur la Cinq. TMC, et la TNT ne sont pas en reste non plus. Aussi l’inévitable Coffe, multicarte des médias, braillard en guerre contre la malbouffe et qui vend sur Internet une ligne de produits alimentaires qui va du pâté à la gelée de coing. Qu’est-ce qu’on se marre lorsqu’on le voit prétendre que pour pas cher on peut se faire de bons gueuletons! Il n’a pas vu le prix des courgettes en pleine saison? Sur quelle planète vit-il ? La réalité est qu’en milieu urbain sur-stressé, le français dit « moyen » travaille, et n’a guère le temps d’aller sur le marché et de cuisiner. Alors il achète du tout prêt. Qui porte parfois le noms de grands chefs comme Robuchon. Drôle non, pour des chefs vantant le plaisir de faire soi même à bouffer? Et s’il ne bosse pas, le français moyen n’a guère les moyens d’acheter au quotidien les produits de son marché, car oui : la vie est très chère. Mais cela, nos rois de la tambouille squatters du petit écran doivent l’ignorer! Faire croire au téléspectateur qu’il peut cuisiner avec « trois francs et six sous » pour que le jour où la ménagère de moins de 50 ans pousse son caddy dans le rayon « plats tout prêts » de son supermarché favori elle achète la recette de Robuchon, Coffe, Veyrat et sûrement bientôt Lignac! Comment peuvent-il prétendre défendre une certaine idée de la gastronomie française en se pavanant dans des émissions vivant de la pub des industriels de la malbouffe? C’est du business! Je passe à la télé, j’utilise mon image de chef pour vendre des produits industriels, donc je fais de la pub implicite à la télé pour ses produits. C’est tout bête mais ça marche bigrement bien! Mais revenons à nos moutons. La force de la télé est là, donner l’illusion du pluralisme, de défendre « le français moyen », alors que sa seule fonction est de pousser le téléphage à consommer, toujours plus. Rappelons-nous l’aveu du PDG de TF1 Patrick Lelay déclarant « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible ». Si la télé œuvrait pour le bien public, ça se saurait. Que les chefs têtes de gondoles médiatiques usent de la télé pour arrondir leurs fins de mois et de plus en plus les mois en entier: pas de problème. Mais de grâce, qu’ils cessent de se positionner comme défenseur d’une noble cause!
Damien