Gros consommateur de guides, je ne devrais pourtant pas avec ce que je sais, je finis par acheter l’édition 2002 du Bottin Gourmand. Lecture parfois amusante, souvent crispante, j’ai été frappé de lire sur la couverture, juste en dessous du titre, le terme « AUTHENTIQUE ». Depuis ma période bleue, celle qui remonte à une entrevue que j’avais eu avec Bérard au sujet de sa profession, au cours de laquelle il m’abreuvait du mot authentique pour se désigner, l’exercice de style a tout de même duré un quart d’heure, je n’avais plus été interpellé par cet adjectif créé spécialement pour les auto-suffisants. Depuis cette époque, peut-être une décade, dès qu’un quidam ou un interlocuteur se décerne la médaille de l’authentique, je ne le prends plus très au sérieux, revoyant René Bérard, un chef trés limité dans l’exercice du métier de cuisinier, m’assommer littéralement avec un débit important d’authentiques. Jamais oublié cette antienne ! Peut-être est-ce pour compenser, conscient de son absence de talent. Et peut-être venant d’un bon chef, un Da Silva, un Bajade ou un Christian Etienne, je n’aurais pas attrapé le bourdon. Mais revenons à notre Bottin Gourmand qui insinue un peu plus bas, toujours sur la couverture : « LE MEILLEUR DE LA FRANCE ». Un peu prétentieux, un peu démagogique, un peu irréalisable quand on sait que l’édition 2002 a été préparée en 2001 et qu’entre ces deux dates, sur les 3586 restaurants répertoriés et annoncés, il y a au moins 2000 restaurants qui ont changé de chef ou de mains. On est bien placé pour le savoir, nous qui en un seul trimeste, avons tant de soucis pour suivre le mouvement migratoire des uns et des autres, en un peu plus d’un an, essayez d’imaginer ce qui reste du meilleur de la France. Et qu’ajouté à cette calamité, les tables répertoriées ne sont testées qu’à 5 %, et encore je suis généreux. En règle générale, on se fie plus au courrier des lecteurs. Du vrai professionnalisme ! C’est ça leur « meilleur de la France. » Autre rouerie du guide ! Au bas de l’article, il y a un emplacement qui semblerait réservé au chef. Mais comme pour se prémunir de tout mauvais coucheur, on ne met rien pour précéder un nom. C’est au lecteur d’interpréter. L’astuce permet d’indiquer, au bas du texte « l’Abbaye de le Celle » les noms de Ducasse et Bruno. Que faut-il lire ? Sont-ils les chefs ou les propriétaires. Malin comme parapluie ! De toute façon, tout le monde sait qu’ils sont tous très loin de l’Abbaye. Mais l’important, c’est que leurs noms figurent sur le parchemin. A l’ « Auberge du parc » à Correns, on lit Bruno. A Lorgues, itou. Ainsi ni vu ni inconnu et je t’embrouille ! Car l’honnêteté intellectuelle voudrait qu’on mette le nom de chef et du propriétaire si besoin est. C’est tout de même l’élément clef du restaurant, le chef. Mais il est plus facile de laisser croire ce qui nous arrange ou plus précisément ce qui arrange les propriétaires car beaucoup n’aiment pas voir le nom d’un chef qui de toute façon n’aura qu’une durée de vie très courte dans son établissement. D’où le qualificatif authentique en couverture.
Paul Bianco