Je fais partie de cette race d’hommes qui se trouvent sans le moindre effort de recherche, dans des situations tellement ridicules que je pourrais en mourir. Mais le drame, c’est que la vie me poursuit, juste pour me fourvoyer dans d’autres impasses impossibles et risibles. De quoi écrire plusieurs tomes d’hilarité ! A me voir comme ça au premier coup d oeil, je fais tout ce qu’il y a de plus sérieux, pas maladroit pour deux sous ; une sorte de bipède doué d’équilibre et grand bricoleur devant l’éternel. La réalité est tout autre, elle frise l’irréel. Tenez, par exemple, l’autre jour je vais déjeuner à Vence, à la Litote. Je pars du centre Var sous un soleil radieux. Donc, je pars en petite chemisette bleue à manche courte. Arrivé à Vence, le ciel a tourné au gris méchant ! Une vraie terreur ! Mais il ne pleut pas ! Heureusement car je suis obligé de me garer sur un parking à plus d’un kilomètre. A la fin de mon excellent repas, mon humeur est vagabonde et légère. Alors que je m’apprête à reprendre le chemin du retour, j’aperçois le bitume en ébullition. C’ est juste un déluge d’eau qui s’amuse à rincer les saletés du sol. C’est joli à voir mais l’inquiétude me gagne, moi qui suit si fragile des bronches et du reste. Sans compter que je me lève à peine d’une pénible bronchite ! Dix jours de grabataire ! Alors que je me lance dans mon récital préféré, les lamentations en ré majeur de mes malheurs, l’aimable direction de la Litote en la personne de Michel Szwertak descend à la cave avec une idée en tête, celle de me prêter un parasol publicitaire de terrasse. Au moins là, vous serez bien à l’abri. Vous me le rendrez à l’occasion » me dit-il. L’idée ne manque ni de piquant ni d’ingéniosité ni de grotesque. Et grotesque, j’allais l’être en traversant la vieille ville et toutes ses ruelles étroites, si étroites que le parasol publicitaire ne passait pas, obligé même sous l’oeil amusé des commerçants, autochtones et touristes, de le pencher en biais, juste pour prendre l’eau à pleine tonsure. Ce qui ne manquait pas d’augmenter l’hilarité de mon large public. Je leur apportais un rayon de soleil dans cette journée triste à mourir. Et d’un seul coup, sous cette averse de risée, je me suis senti utile. Peut-être, me suis-je dit, que tous ces gens n’ont pas autant rit depuis très longtemps. Arrivé à la voiture, j’étais aussi trempé qu’un cormoran sous un orage. A peine placé le parasol détrempé dans la voiture toute neuve de la veille, un magnifique soleil m’envoya ses premiers rayons comme pour me narguer. J’en ai d’autres à vous raconter mais je les garde pour le tome 1 de mes mésaventures.
Paul Bianco