LA MARGELLE

La Margelle restaurant Pernes-les-Fontaines – Superbe établissement connu de nos services: changement de propriétaire (encore) depuis juin 2022. Pour tout dire j’y allais plutôt confiant, certain qu’un lieu bourré d’un tel charme s’interdit forcément une cuisine médiocre. Et puis j’ai mangé. Des ardoises, une carte papier plastifiée reformule le propos à la craie, aucun tarif des liquides: pochette surprise! Ça renifle d’emblée la philosophie tiroir-caisse alors que mon job est de chercher d’abord le cuisinier. Enfin bon. Pénible. A chaque fois qu’il s’adresse à ma pomme, le serveur dit « jeune homme ». Un modèle d’automatisme de la fonction, l’aveugle d’une mission, la sympathie au forceps.

Le midi: menu 25€ et formule 21€. Et puis le menu-carte à 45€ décliné en formule-carte à 38€. C’est pas rien comme tarifs et je me paluche 400 kilomètres aller-retour pour manger à La Margelle: alors formule 38€! Faut laisser la chance au produit. Les énoncés sentent bon l’automne, champignons, foie gras, légumes oubliés… Entrée tarte fine aux noix de St-Jacques, poivre de Timut et jus de crustacés. La tarte est peut-être fine, mais son feuilletage est mou, comme au micro-ondes. Dessus le truc, une montagne de roquette qu’il faut dégager pour découvrir la St-Jacques en carpaccio sur des légumes râpés. Le meilleur (de loin) est la sauce veloutée au jus de crustacés, autour. 12/20. Confirmation du style saucier plombé par un travail de dressage laborieux avec pigeon de Sarrians rôti, sauce périgourdine, tagliatelles aux 3 couleurs. Pas l’ombre de tagliatelles aux 3 couleurs, on ne prévient pas le client. Il mange ce qu’on lui dit de manger, le client. Chez Dédé le Routier déjà ça gonfle, alors dans un menu à 45€… Bref! A la place, une délicieuse purée grasse arrosée de la fameuse sauce au beurre dite « périgourdine » avec éclats de truffe. Le bon côté, c’est que pour une fois, pas d’huile de truffe de synthèse défoliante. Saucier confirmé. Le problème majeur est le volatile. Le pigeon de Sarrians devient le « pigeon de Pernes » et c’est moi! « Le jeune homme »! Pigeon de Sarrians tiède, noir de pré-cuisson abusive, chair dure traumatisée, peau cuite de volaille sortie du frigo. Me faire ça à moi qui adore ce mets. Bonus: encore de la roquette à dégager, et le terrible chichi-panpan de poudre orange, signature caractéristique des cuisiniers qui n’ont pas déplanté le parasol des années 80. On dégage: 9/20 pour la sauce.

Trois tables servies ce midi, je me lève pour aller payer à l’accueil. Personne. Le couple de tauliers a migré de l’autre côté, au bar à faire causette. Alors j’attends, fait semblant de tousser, je pousse une chaise bruyamment, fait les 100 pas en regardant le plafond… je pouvais partir discrétos sans payer, si ça se trouve. Mais ce n’est pas de mon éducation: j’avoue parfois le regretter.